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Le déficit public devrait atteindre 5,6 % du produit intérieur brut (PIB) en 2024 et pourrait monter à 6,2 % en 2025, selon les prévisions du Trésor français. Des chiffres bien éloignés des 3 % de déficit exigés par l’Union européenne (UE), qui ont conduit à placer la France en procédure de déficit excessif.
En 1992, le traité de Maastricht prévoit des « critères de convergence » afin de rapprocher les économies des Etats membres de l’Union européenne (UE), dans l’objectif d’adopter l’euro comme monnaie unique et de réaliser l’Union économique et monétaire. La maîtrise des finances publiques devient un point-clé du traité, qui fixe alors des plafonds : celui du déficit, à 3 % du PIB, et celui de la dette, à 60 % du PIB.
Quatre ans plus tard, le pacte de stabilité et de croissance doit garantir que les règles sont respectées une fois les pays entrés effectivement dans la zone euro. Une procédure impose alors aux Etats membres de présenter leurs objectifs budgétaires chaque année, impliquant d’éventuelles sanctions financières en cas de déficit excessif.
Ne pas confondre :
Le déficit public est la situation dans laquelle le solde annuel du budget d’un Etat et de ses administrations publiques (collectivités territoriales, Sécurité sociale) est négatif : les recettes sont moins importantes que les dépenses
La dette publique représente l’ensemble des engagements financiers sous forme d’emprunts publics contractés par l’Etat, la Sécurité sociale, les administrations centrales et les collectivités territoriales
L’origine des 3 % est pour le moins étonnante. En 1981, les dépenses publiques de la France s’envolent. Le président de la République, François Mitterrand, cherche à éviter une hausse de la dette publique, qui augmente à mesure que les déficits s’accumulent. Un seuil est alors imaginé par trois hauts fonctionnaires français. « Nous regardons quelle est la plus récente prévision de PIB projetée par l’Insee pour 1982. Nous faisons entrer dans notre calculette le spectre des 100 milliards de déficit (…). Le rapport des deux n’est pas loin de donner 3 % », raconte en 2010 Guy Abeille, ancien chargé de mission du ministère des finances français, à La Tribune.
Ce seuil s’est imposé dans l’économie française puis a étendu son influence à l’Union européenne. C’est l’Allemagne qui a demandé à l’UE d’instaurer une règle sur le déficit. Lorsque le traité de Maastricht a été signé, le plafond de 3 % a aussi servi de base de calcul pour établir le niveau maximal de dette publique. Un déficit de 3 % du PIB permettait de stabiliser la dette à 60 % du PIB, compte tenu des 5 % de croissance du PIB en valeur alors prévu en Europe. Bien que ces plafonds n’aient pas de réelles justifications économiques, ils conservent leur autorité encore aujourd’hui.
Depuis plus de vingt ans, les pays membres de l’Union ont globalement fait preuve de discipline vis-à-vis de la règle des 3 %, contrairement à la France. Entre 2002 et 2005, la France a enregistré des déficits systématiquement supérieurs à 3 % de son PIB, ainsi qu’entre 2007 et 2017. En 2018, son déficit revient en dessous de la barre des 3 %, puis bascule à nouveau en 2020.
Au sein de l’Union, les seuls dépassements de plafond ont été observés lors des crises de 2008 et du Covid-19. La pandémie en 2020 puis l’invasion russe de l’Ukraine en 2022 ont considérablement accru le déficit et la dette des pays membres de l’UE. Une clause dérogatoire a alors été activée dès 2020 par la Commission européenne afin de suspendre temporairement l’application par les Etats membres des règles budgétaires – elle a été prolongée trois années de suite.
La dette publique des Etats est, elle, en baisse depuis 2021 avec la fin de la crise du Covid-19, une tendance qui s’est poursuivie jusqu’en 2023. La hausse du PIB, mais aussi l’inflation, qui gonfle les recettes fiscales et fait baisser la proportion de la dette sur le PIB, expliquent en partie cette baisse globale.
Six pays de l’UE conservent toujours une dette supérieure à 90 % de leur PIB. La Grèce, notamment, détient un ratio de 161,9 %. La France est en troisième position après l’Italie, avec 110,6 % de dette (soit plus de 3 101 milliards d’euros).
Ces normes chiffrées ne font pas l’unanimité au sein de l’UE. Elles divisent, entre ceux qui défendent les lignes de conduites budgétaires qu’elles donnent aux Etats membres et ceux qui estiment qu’elles sont arbitraires et ne disent rien ni du type de dépenses engagées pour le déficit, ni de la soutenabilité de la dette. En 2021, le Conseil d’analyse économique, un centre de réflexion rattaché à Matignon, suggérait de renoncer à l’objectif commun des 3 % de déficit, et de remplacer le seuil des 60 % de dette par un plafond différent pour chaque pays.
L’Union européenne a également fait le constat de leur non-application, voire de leur inefficacité. Pourtant, la nouvelle version du pacte de stabilité et de croissance, adoptée en avril 2024, garde ces plafonds tels quels. Cette réforme vise plutôt à modifier les marges de manœuvre des Etats membres en créant de nouvelles règles budgétaires censées être plus flexibles. Les Etats ont désormais une période de quatre ans pour atteindre les objectifs, qui peut être prolongée jusqu’à sept ans, mais dans un cadre très précis qui consiste à réduire un déficit public supérieur à 3 % pendant une période de croissance pour qu’il atteigne 1,5 % dans le but de faire des réserves. Une dette excessive doit quant à elle être réduite de 1 % par an en moyenne si elle est supérieure à 90 % du PIB, et de 0,5 % si elle est située entre 60 et 90 % du PIB.
Si cet Etat sous procédure de déficit excessif ne respecte pas ses obligations, il peut être soumis à des sanctions. Jusqu’à présent, aucun Etat membre n’a jamais été réellement sanctionné pour avoir dépassé son plafond de déficit ou de dette. La réforme est censée rendre ces sanctions moins lourdes mais plus efficaces. Désormais, les amendes s’élèvent à 0,05 % du PIB et s’accumulent tous les six mois.
Depuis juillet, plusieurs Etats membres sont sous le coup d’une procédure de déficit excessif : l’Italie, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, Malte, la Roumanie et la France.
Comme les autres, la France doit envoyer à Bruxelles, avant le 20 septembre, son plan de réduction du déficit public jusqu’à 2027, année à laquelle le pays devra retrouver le niveau de 3 % de déficit. Sauf que les prévisions ne vont pas dans ce sens. La hausse des dépenses des collectivités cumulées à la baisse des recettes fiscales pourrait mener à un déficit de 5,6 % pour l’année 2024. Pire, en 2025 le déficit pourrait monter jusqu’à 6,2 %.
Pour la France, « un retour dès 2027 du déficit sous les 3 % », comme exigé par le pacte de stabilité et de croissance, « supposerait de réaliser environ 110 milliards d’économies », a prévenu la direction générale du Trésor dans une note datant de juillet. La situation politique actuelle risque également de peser sur l’adoption du budget pour 2025. Début septembre, la France a demandé à Bruxelles de lui accorder un délai supplémentaire pour l’envoi de son plan de réduction du déficit public.
Lisa Boudoussier
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